Contre-projet pour les Récollets - NIVELLES
Projet par Romane Borrell et Johan Recén
Pour une architecture respectueuse du patrimoine
En Belgique, on n’hésite plus désormais à détruire l’architecture centenaire pour construire des bâtiments de piètre qualité. Le but : éviter une restauration jugée coûteuse et maximiser les rendements. Les conséquences : l’enlaidissement du pays, la perte d’identité, la disparition du patrimoine.
Depuis la Seconde Guerre Mondiale, villes et campagnes sont meurtries par des interventions urbaines et architecturales brutales, irréfléchies et polluantes : l’architecture moderniste-mondialisée s’est installée partout.
Justifiée par une approche scientifique et fonctionnelle, cette nouvelle architecture ne fait plus ses preuves. Au grand détriment des habitants et au plus grand plaisir du défunt Corbusier, nos lieux de vie sont devenus des machines à habiter. Mais ces nouvelles constructions ne sont ni pérennes, ni saines, ni belles et tombent en désuétude après quelques années d’existence.
Le dernier exemple en date est le couvent des Récollets de Nivelles, un ancien couvent franciscain composé de bâtiments centenaires organisés autour d’un cloître, aujourd'hui menacé par une rénovation hâtive et la démolition-reconstruction de son aile Sud. Cette opération immobilière emmenée par le promoteur LIXON vise à abattre une partie de l’aile Sud du couvent, à savoir un magnifique bâtiment du 16ème siècle, remanié au 18ème siècle, – menaçant ainsi l’architecture des constructions voisines – pour reconstruire un immeuble d’appartements sans âme ni respect des codes esthétiques locaux.
Le projet prévoit également la rénovation lourde du reste de l’aile Sud et de l’aile Ouest du couvent, rénovation ayant déjà débuté par un saccage des espaces intérieurs qui se poursuivra – si le permis est octroyé – par le percement d’ouvertures inesthétiques dans la toiture et l’ajout de balcons métalliques en façade dans le style « escalier de secours »…
Un groupement citoyen soutenu par des milliers de Nivellois s’insurge depuis des années contre le projet de destruction et d’enlaidissement des Récollets. Partant du sain principe que le couvent a fait ses preuves (il fut successivement lieu de culte, lieu de solidarité, de culture, de soins pendant la bataille de Waterloo, d’enseignement, de justice et de mémoire), ils disent que le complexe des Récollets s’adaptera sans mal à un nouvel usage, le logement, pour peu qu’on le rénove intégralement et dans le respect de son architecture !
Un jugement conforté par les experts de Europa Nostra Belgique qui, dans un rapport remis aux autorités locales et régionales, exige le classement et la sauvegarde de l’ancien couvent dans son entièreté.
Pendant des millénaires, l’architecture traditionnelle nous a offert un cadre de vie naturel, pérenne, esthétiquement beau et en harmonie avec les traditions locales. Cette architecture d’empathie doit être redécouverte pour satisfaire les besoins profonds, authentiques et spontanés de tous. L’architecture traditionnelle est à un tournant. Des milliers d’individus à travers le monde la pratiquent et l’enseignent. Il suffirait d’une volonté politique pour la faire renaître.
Alors que nous n’avons jamais autant parlé d’écologie et que la Belgique a souscrit à des engagements en matière de changement climatique (European Green Deal), il devient urgent d’en finir avec l’écologie de façade. Comme le soulignait récemment Zakia Khattabi, ministre fédérale du climat, « si nous revenons au ‘business as usual’, les dégâts seront incontrôlables ». Il faut une fois pour toute comprendre que l’architecture réellement écologique est celle qui dure plus d’un siècle et qui, au lieu de détruire, prévient, entretient et rénove.