Depuis trois ans que La Table Ronde de l’Architecture existe, nous avons beaucoup cheminé. Nous avons subi les assauts du doute, conforté certaines de nos positions et découvert de nouveaux territoires de la pensée. C’est pourquoi, au lieu d’une impersonnelle newsletter qui rencontrera l’indifférence générale, nous préférons vous livrer nos dernières réflexions et quelques explications sur le sens de notre mouvement.
Nous pensions au début que le problème de l’architecture était extérieur à l’homme, et qu’il suffirait de changer quelques lois, d’abolir quelques préjugés, pour entraîner un changement immédiat et définitif. Progressivement, nous avons découvert que la puissante transformation des villes et du monde, leur enlaidissement et leur uniformisation, provenait d’une modification de la conscience humaine. La conscience humaine s’est altérée au fil du temps, si bien que de nos ancêtres qui avaient pour la nature une fascination craintive, pour qui les objets n’avaient valeur que d’usage et de symbole, de nos ancêtres qui vivaient dans le riche cosmos, sous les étoiles et la volonté des dieux, il ne reste rien. Jamais ces aïeux braves et prudents n’auraient imaginé un jour contempler ces déserts agricoles s’étirant à l’infini, que nous appelons campagnes, où déambulent des machines en sinistre balai, ces villes géométriques et démesurées qui touchent le ciel avec l’arrogance de Babel, ces ruches de béton où vont et viennent les fonctionnaires, ces lacets de bitume où glissent les individus d’aujourd’hui, crânement enchâssés dans leurs boîtes en métal, roulant à grande vitesse vers leur suprêmes occupations, ces individus d’aujourd’hui pour qui le temps est suspendu et le monde anéanti.
Non, chers amis, nos ancêtres contempleraient le spectacle d’aujourd’hui sans rien y comprendre et à leurs yeux, il serait aussi différent qu’une planète éloignée. Comprenez que notre propos n’est pas guidé par une nostalgie mal placée, ni le projet d’un retour en arrière qui serait de toute façon une impasse. L’individu moderne aurait beau adopter les méthodes anciennes qu’il ne serait guère plus qu’un amish (malgré l’amitié que nous avons pour ces braves). Nous vivons ici et maintenant, avec tout ce que l’histoire récente et l’essor de la technique ont charrié d’épreuves et nous ne pouvons agir comme si le déluge technologique, l’éclatement des structures traditionnelles comme le village ou la famille, ou encore le règne d’un certain darwinisme social sous la forme de la méritocratie, n’avaient pas profondément changé notre personnalité. Nous vivons ici et maintenant, et c’est notre tâche que d’unir ce qu’il reste de courage, de bonté et d’intelligence dans notre époque, et de rassembler les bonnes âmes derrière l’étendard de la culture afin de poser les jalons d’une petite société libre et généreuse.
L’architecture suivra.
Notre école d’été d’architecture et d’artisanat, c’est l’ébauche de cette petite société libre et généreuse. Elle repose sur le dévouement de nos professeurs et sponsors qui permettent, chaque année, à nos jeunes étudiants de comprendre qu’ils ne sont pas seuls au monde et de gagner en confiance en s’instruisant. Nous vous invitons à lire leurs témoignages via ce lien. Leur enthousiasme et leur gratitude nous confortent dans notre but. Leur soif d’apprendre est immense. Guidés seulement par le désir d’embellir, ils ont réalisé de merveilleux projets pour la ville de Bruges, que vous pouvez consulter ici.
Mais combien sont-ils encore, ces jeunes qui ressentent le grand vide de l’âme que l’architecture moderniste n’arrivera jamais à combler ? Pour eux, nous devons redoubler d’efforts. C’est pourquoi nous allons fonder une seconde école d’été, qui aura lieu dans ce magnifique bout de France qu’est l’Alsace ! Pendant deux semaines, en août 2024, une quinzaine d'étudiants partiront à l’apprentissage de l’architecture vernaculaire alsacienne.
Pour assurer le succès de ces deux aventures, nous avons besoin de votre aide ! À tous ceux qui ne peuvent pas se satisfaire de l’épouvantable visage que prend le monde, nous disons : contactez-nous et aidez-nous à former la prochaine génération de bâtisseurs ! Vos dons, votre temps, vos conseils, vos outils, vos livres (nous constituons une bibliothèque consacrée aux arts et à l’histoire !) seront reçus précieusement.
Traditionnellement vôtres,
Nadia Everard & Noé Morin,
Fondateurs de la Table Ronde de l’Architecture asbl
PS: Les candidatures pour l'école d'été d'architecture et d'artisanat de Bruges s'ouvriront le 27 octobre 2023 !
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